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nezignan l'eveque

Une fois les principes d'élaboration compris, voyons-en les incidences sur l'organisation du travail et sur le produit fini : ou pourquoi est-on amené à vinifier des rosés.

- Les années de vendanges pourries : Un fruit atteint de pourriture ne présente jamais de bonnes qualités organoleptiques. Pour les cépages rouges, macérer les parties malades de la grappe communique des mauvais goûts aux vins. Des enzymes oxydatives apportées par les moisissures dégradent les précurseurs d'arômes et la matière colorante. Les vendanges rouges altérées sont donc vinifiées en phase liquide, ou en macération sur des durées très courtes (24 à 72 heures) Les vins obtenus présentent des caractères peu friands, des couleurs évoluées (tirant vers l'orange) et sont peu stables dans le temps

- Les années de grande production : 130 Kg de raisin donnent 100 litres de vin environ ; le besoin de cuverie est plus important pour vinifier des rouges que pour des phases liquides. Les macérations demandent plus de matériels et plus de main d'oeuvre : il faut évacuer des cuves la phase solide de la vendange, le marc. Quand la cave est pleine et qu'il reste des raisins sur souche, on fait des rosés ! Et quantité n'a jamais rimé avec qualité ! Plus une vigne est chargée, plus les bons composés sont dilués. Effectuer une saignée de 5 à 15 % des jus sur une macération permet de reconcentrer artificiellement les futurs vins rouges. 130 Kg de raisin donneront 85 litres de vin rouge et 15 litres de vin rosé. ( cette saignée sortie de la cave en jus de fruit permettait à certaines grandes appellations de rester au dessous des rendements autorisés !)

- Certains cépages sont peu dotés par la nature de matière colorante, et, si de surcroît, la production est élevée, tous les efforts d'extraction n'aboutiront qu'à l'obtention de vin ni rosé ni rouge.

-Les fermentations en phase liquide se pratiquent à basse température et nécessitent des outils qui se sont généralisés ces 15 dernières années.

A la lumière de ces différents points, vous conviendrez que la situation paraît peu reluisante : le marché a pu se trouver inondé de ces produits peu attractifs, si ce n'est par leurs prix, et qui n'ont jamais réussi à convaincre le consommateur. Et pour cause !

Heureusement le tableau n'est pas si sombre, et nous allons voir pourquoi !

-Grâce à d'étonnants systèmes informatiques mettant en relation des capteurs météos au coeur même du vignoble et des logiciels de modélisation des maladies, le viticulteur moderne pratique efficacement ce que nous appelons la lutte raisonnée. L'état sanitaire du végétal et de la récolte s'est grandement amélioré. Une couverture systématique et arbitraire, réglée sur la durée d'action d'une molécule, laisse place à des traitements ponctuels et ciblés. De plus, les outils de pulvérisations sont eux aussi de plus en plus spécialisés et performants. Les résultats sont impressionnants :

-La consommation de produits de traitement diminue de 30 à 50 %, et les coûts de même !

-L'état sanitaire de la vendange est en moyenne très supérieur.

-Le respect de l'environnement est plus en phase avec l'actualité.

-Le vinificateur dispose actuellement d'outils performants pour nettoyer les moûts des éléments générateurs de mauvais goûts liés au vendanges altérées : filtre à tambour rotatif sous vide, filtre presse...

-Les viticulteurs qui élaborent de bons vins avec de petites quantités de raisins vinifient un peu de rosé pour répondre à une demande de leur clientèle. Bien souvent ils produisent trois types de vins d'un très bon niveau à partir d'un seul raisin :

- 10 % de saignée pour des rosés

- 60 % de vin de goutte pour le premier rouge

-30 % de vin de presse pour des rouges élevés en barrique

-De gros groupes industriels, ayant parfaitement intégré les principes techniques de l'oenologie moderne, mettent en marché une production de masse d'un niveau qualitatif irréprochable (bien souvent inversement proportionnel à leur politique sociale...).

-Certaines régions se sont construites une réputation en commercialisant de longue date des rosés reconnus, répondant parfois à des standards un peu anciens.

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