Histoires de goût...

Nous alimentons la population vacancière du littoral avec des rosés de grenache/cinsault, pâles, pelure d'oignons, avec des notes oxydatives marquées. Ce type de produit ne me satisfait pas en tant que vinificateur et encore moins en tant que consommateur. Un jour, en rupture de stock momentanée, nous livrons un rosé de syrah, couleur pivoine, aux arômes de fruits rouges bien marqués, frais et long en bouche, un vrai vin plaisir... Les cartons nous sont revenus, aucune bouteille n'avait été ouverte : robe trop soutenue, pas assez orange...

Je me rends à une réunion/dégustation entre professionnels, avec pour sujet " les vendanges tardives ". A des fins pédagogiques, je présente un échantillon caractérisé par un défaut flagrant lié à l'utilisation mal maîtrisée d'un conservateur autorisé et peu employé : l'acide sorbique. Dans certaines conditions, cet antifongique inhibant les reprises de fermentation en bouteille génère des goûts de feuille de géranium froissée : c'est végétal, pharmaceutique, assez désagréable. Néanmoins, ce vin est commenté par un des participants comme étant végétal, puissant, assez complexe, très plaisant... Je fais alors remarquer à quoi correspond cet échantillon. Une autre personne intervient pour nous faire part de l'intérêt que porte une partie de sa clientèle à ce type de caractéristiques aromatiques...

Lors d'une dégustation exceptionnelle ayant pour thème " les syrahs du monde "sont présents les principaux acteurs de la filière viti-vini Languedoc et des journalistes gastronomiques anglais, irlandais, canadiens, américains et français. Les dégustateurs se font le palais avec des produits Côteaux du Languedoc : tout le monde prend ses marques dans une ambiance réservée. Puis viennent des syrahs italiennes, suisses, libanaises... les regards sont dubitatifs, les commentaires assez succincts. Arrivent les vins australiens : les journalistes anglo-saxons sont aux anges, les éloges n'en finissent pas. Les Français se regardent, dans une incompréhension grandissante, interrogateurs et médusés. Et le final avec des Côtes du Rhône septentrionales : les Français prennent de l'assurance, le verbe s'éveille, l'oeil pétille, les Anglo-saxons sont morts de rire...

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