Débourbage

Après extraction des jus par pressurage de vendange fraîche, on obtient des moûts de raisin frais (!). Ces jus contiennent 10 à 30 % de matière solide en suspension, les bourbes, en fonction du type de pressoir, et de celui qui le mène. Ces matières en suspension, morceaux de peau, de pulpe, de pépin, communiquent au moût en fermentation, par dissolution en milieu alcoolique, des mauvais goûts herbacés et végétaux. Le débourbage consiste à séparer le liquide de ce qui ne l'est pas. C'est une opération capitale dans le process de vinification en phase liquide. Différentes méthodes sont à disposition :

L'évaluation du trouble se fait par néphélométrie. L'unité de turbidité est le NTU. Cette mesure évalue la diffusion d'un faisceau lumineux au travers d'un liquide : la diffusion augmente avec le taux de particules en suspension. Un vin blanc en bouteille fait environ 1.1 NTU, un vin rouge environ 2 NTU.

On considère que la valeur de turbidité d'un moût doit être comprise entre 50 et 150 NTU pour vinifier en phase liquide. En dessous de 40, les moûts sont limpides. A 70 NTU on peut encore voir ses doigts au travers d'un verre de pastis. Il s'agit donc d'un pastis de grande soif...celui de l'apéro fait plutôt aux alentours de 2000 NTU...

 

- Le débourbage statique.

C'est une décantation naturelle dont la durée varie de 12 à 36 heures. Il est important de différer le départ en fermentation alcoolique : le dégagement de gaz carbonique remet le trouble en suspension. Le sulfitage aide à cela. Ce sont les basses températures qui ralentiront le mieux les levures indigènes. Les moûts sont amenés à des températures voisines de 5°C. Un bon équipement frigorifique est nécessaire au débourbage statique. La récolte nocturne permet d'économiser quelques précieux degrés. La glace carbonique sur vendange permet aussi de diminuer la température des raisins avant pressurage.

Plus le vinificateur dispose de temps avant départ en fermentation, plus la situation est confortable et permet l'optimisation du chantier. Le paramètre le plus important va être la fermentessibilité des moûts. Si les temps de latence avant FOL (fermentation alcoolique ) sont longs, on est serein. Si les départs en fermentation sont rapides, mieux vaut avoir un bon filtre dans sa cave et une bonne réserve de café ! Le paramètre froid n'est pas toujours suffisant pour contenir des levures, surtout si le même matériel répète des débourbages successifs. Des levures travaillent à 3°C...

La vitesse de décantation est variable en fonction des paramètres suivants :

En fait,c'est le taux de pectine du moût qui conditionne la réussite de la clarification. Certains cépages sont plus riches en pectines ( cinsault, muscat ...) La concentration en pectine augmente avec la maturité : il est toujours plus facile de débourber des petits degrés. Le millésime influe sur la constitution générale du raisin : certaines années ça débourbe tout seul, d'autres années c'est la galère ! Heureusement le vinificateur dispose d'outils biotechnologiques efficaces pour l'aider. Ce sont des agents biologiques ayant chacun un rôle très particulier :

Pour faire de la gelée de groseille on utilise les propriétés gélifiantes des pectines du fruit. Pour être sur de sa réussite la cuisine moderne nous permet d'employer du sucre enrichi en pectine ! C'est ce caractère gélifiant qui freine le débourbage. Afin de supprimer le caractère gélifiant, on utilise des enzymes pectolytiques qui vont découper les macromolécules que sont les pectines en molécules plus petites. Le résultat est impressionnant ! Dans le Sud nous travaillons des moûts le plus souvent difficiles à clarifier : chardonnay, sauvignon, ugni blanc, à des maturités élevées (13 à 14 %VOL). Les enzymes sont des outils magiques et indispensables qui simplifient grandement le travail et participent à la qualité du produit fini.

Les années de vendange abîmée par la pourriture grise ou botrytis, les moûts enrichis en substances mucilagineuses peuvent s'avérer difficile à débourber. La présence en plus ou moins grande quantité de glucane, longue chaîne de sucre polymérisé par le champignon stabilise le trouble. C'est encore des enzymes, des beta-glucanases qui dépannent le vinificateur en coupant ces macromolécules.

Ces différentes colles sont utilisées seules ou en associations. La bentonite, dans ce cas de figure est employée comme lest afin d'accélérer la sédimentation. La gélatine flocule avec les tanins extraits par le pressoir, indésirables en phase liquide, car générateurs d'amertume, d'astringence et d'instabilité de la couleur. Les flocons formés sédimentent d'autant plus vite qu'ils sont gros, entraînant sur leurs passages des particules plus légères. Le gel de silice a un rôle de lest et possède une bonne synergie en association avec la gélatine. Conjointement à la décantation, la bentonite, la gélatine ainsi que la PVPP permettent au vinificateur d'éliminer les polyphenols et de prévenir ainsi les futurs brunissement dûs à l'évolution de ces molécules par voies oxydatives.

La cinétique de décantation peut se schématiser ainsi :

Les particules les plus lourdes descendent les premières et le dépôt va se former en strates successives. Au termes du processus, 3 phases distinctes sont observables : les jus clairs, les bourbes fines ou bourbes blanches, et les bourbes à proprement parler, ou bourbes vertes. Un soutirage par le haut à l'aide d'un mireur ( section de tuyau en verre incolore ) permet la séparation des jus. Les jus clairs et une partie variable des bourbes blanches sont mis à fermenter. Les bourbes blanches sont riches en éléments nutritifs pour les levures et en précurseurs d'arômes. Si les clairs sont très limpides une partie importante de cette phase blanche est conservée : la turbidité reste satisfaisante. La mise en FOL de jus excessivement clarifiés expose le vinificateur à des risques de fermentation languissante ou incomplète. De plus il se prive de composés aromatiques. La destination des bourbes restantes a beaucoup évolué ces 15 dernières années. Avant, elles étaient considérées comme un sous produit de la vinification et finissaient dans les cuves de lies. Puis sont arrivés les filtres rotatifs sous vide et l'on a redécouvert l'usage du filtre presse. Les filtrats de bourbes, généralement de turbidité assez basse, vinifiés séparément donnent des vins moins acides et avec une intensité aromatique élevée et un peu lourde. La réincorporation du filtrat avec ses clairs améliore toujours l'ensemble. L'acquisition d'un filtre est rapidement lucrative.

Les années où tout va bien...quand cela se passe comme dans les livres, les clairs représentent 75 % de l'ensemble, 5 % pour les bourbes fines, 20 % pour les vertes.

Les années difficiles, avec des raisins très mûrs, avec des températures extérieures élevées, et justement le groupe de froid qui a explosé à 1 h 30 du matin, on peut avoir à débourber 50 % de jus à 180 NTU et envoyer tout le reste sur le filtre ! Entre ces 2 extrêmes tous les cas de figures existent !

 

- la filtration : Filtre à tambour rotatif sous vide, filtre presse.

Parfois, l'intégralité des jus est filtrée. C'est un choix technologique qui présente avantages et inconvénients : tout d'abord, les avantages.

et maintenant les inconvénients :

Travailler des jus intégralement filtrés est un choix qui s'applique à des productions industrielles à partir de raisin sans grands caractères. Les résultats sont étonnants et si ces techniques se généralisaient ( ce qui est progressivement le cas) le niveau moyen des vins de bases s'élèverait de façon significative. Et cela profiterait à tous.

 

-La flottation

Il est difficile de parler de ce que l'on ne connaît pas...mais je vais faire un petit effort! La flottation est une technique issue du traitement des eaux. Elle consiste en la séparation d'une phase solide et d'une phase liquide en faisant remonter les particules en suspension à l'aide de bulle de gaz.

Le moût est pressurisé, par injection de gaz, le plus souvent de l'azote, dans un caisson de pressurisation en amont du flottateur à une pression comprise entre 5 et 7 bars. Il est injecté dans la cuve large et peu profonde du flottateur. Sous l'effet de la dépression, des micro-bulles se forment et se fixent sur les particules en suspension, modifiant ainsi leurs densités. Si cette densité est inférieure au liquide, la particule flotte ! La couche de bourbes formées en surface est éliminée en continu par des racleurs ou aspirées. Le moût clair est évacué en continu par une trappe siphoïde.

Fottateur  Padovan  source : Littorale Oenologie

Ce process est très efficace mais demande des réglages très fin et une grande technicité des hommes. Ces matériels sont pour l'instant peu répendus, et réservés à des installations traitant de gros volumes.

-La centrifugation

Idem. J'utilise la centrifugeuse, mais pas en débourbage. Certaines caves le font mais je pense que le débourbage n'est pas le domaine de prédilection de la centrifugeuse. Le taux de matière en suspension est trop important pour cette technologie, à moins de dégrossir le travail préalablement avec des hydrocyclones ou des préfiltres. L'investissement en matériel est très élevés. Le coût de fonctionnement l'est beaucoup moins : ces machines travaillent en mode auto, avec une régulation de la turbidité, sans aucun consommable, et sans intervention humaine.